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Les vitraux de la Nouvelle-France de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Brouage.

Ancien port saunier très actif durant la période médiévale, Brouage devint au début du XVIIe siècle la place forte que l’on connaît, voulue par le cardinal de Richelieu dans sa lutte contre la protestante La Rochelle. L’assèchement du Golfe de Saintonge et le développement contemporain de Rochefort laisseront Brouage dans les terres et dans l’oubli, permettant paradoxalement à la petite cité de conserver ses murailles et son aspect jusqu’à nos jours.
La relation de Brouage aux Amériques n’est pas due à son activité maritime ou militaire mais à la naissance en ses murs (vers 1567) de Samuel Champlain, traditionnellement considéré comme le « Père de la Nouvelle-France ». Bien que Champlain ne passa que très peu de temps dans sa ville natale (si l’on excepte sa jeunesse et ses premières années comme soldat durant les guerres de Religion), l’historiographie du XXe siècle ne l’oubliera pas et fera de la cité un important lieu mémoriel des relations entre la France et l’Amérique française.

Dès 1970, et probablement dans le sillage du fameux voyage du général de Gaulle à Montréal, une stèle commémorative avait été inaugurée par des représentants des gouvernements français et québécois à l’emplacement supposé de la maison natale de Champlain. Cette cérémonie devait donner le départ d’un important projet mené à l’initiative de Maxime Le Grelle, jésuite et historien : la réalisation d’un ensemble de vitraux consacrés à la Nouvelle-France, destinés aux baies de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Brouage.
A partir de 1982, grâce aux efforts du Comité du mémorial de la Nouvelle-France et l’aide de la fondation Stewart, ont été ainsi créés et installés neuf vitraux :
– 1982 : Épopée de l’Isle Sainte-Croix, par Nicolas Sollogoub. Don de la Province du Nouveau-Brunswick.
– 1983 : Fondation de la ville de Québec par Samuel Champlain, 1608 ; par Nicolas Sollogoub, don de la ville de Québec.
– 1987 : Hommage à la cité de Brouage, par Jacques Viviani d’après le carton de Nicolas Sollogoub. Don de l’Etat, de la Région Poitou-Charentes, du département, de la commune, de la paroisse et du Comité du mémorial.
– 1991 : Souvenance. L’Ontario au temps de la Nouvelle-France, par Stephen Taylor. Don de la Province d’Ontario.
– 1995 : Le Bienheureux François de Montmorency-Laval (1623-1708), par Nicolas Sollogoub. Don de Simone Guichard.
– 2001 : Le Québec au fil de son histoire, par Nicolas Sollogoub. Don de la Province du Québec.
– 2007 : Les origines de la ville de Montréal, 1642, par Nicolas Sollogoub. Don de la ville de Montréal.
– 2015 : Jeanne Mance (1603-1673), par Nicolas Sollogoub.
– 2017 : Marguerite Bourgeoys, par Jean-François Bordenave. Offert par le Comité du mémorial grâce aux dons de particuliers.

De cette série, la première et la dernière œuvres doivent ici être signalées :
L’Épopée de l’Isle Sainte-Croix, est consacrée la fondation de la première « habitation » de ce qui deviendra l’Acadie, en mai juin 1604, sur une île non loin de l’embouchure du fleuve baptisé Sainte-Croix (aujourd’hui frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick). C’est ici que la deuxième expédition de Champlain – sous le commandement de Pierre Dugua de Mons – hivernera dans de très dures conditions (froid, faim, scorbut).
Couronnée par une fidèle reproduction de L’abitasion de l’ile de Ste Croix, gravure parue dans les Voyages du Sieur de Champlain (1613) montrant la disposition des installations, la partie centrale de la lancette illustre en deux registres la construction du fort. Les principaux personnages de l’expédition y sont représentés (de Mons, Champlain, Dupont-Gravé, Poutrincourt), établissant le plan sous le regard de deux Indiens reconnaissables à leur tenue. Le pied de la lancette représente l’un des deux navires de ce deuxième voyage : Le Don de Dieu, ou plus probablement La Bonne renommée.
Ce travail est l’œuvre de Nicolas Sollogoub (1925-2014), maître-verrier français d’origine russe, installé à Montréal dans les années 1950 et auteur de plusieurs compositions monumentales dans cette ville. Attaché à l’histoire de la Nouvelle-France, il réalisa six des neufs vitraux rassemblés dans l’église.

Bien différent est le dernier vitrail, dédié à Marguerite Bourgeoys (Troyes, 1620 – Montréal, 1700) et dévoilé pour le 35e anniversaire de sa canonisation. Co-fondatrice de Montréal et fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame (première communauté féminine non cloîtrée d’Amérique du nord), cette religieuse est l’un des principaux personnages de l’hagiographie catholique de la Nouvelle-France.
La partie centrale de la lancette représentant la sainte, reconnaissable à sa capuche et son habit, cernée par l’auréole. Elle tient un livre, symbole de l’action de son ordre consacré à l’éducation des jeunes femmes (« filles du Roy » et Amérindiennes). A dextre, se trouve l’évocation de sa ville natale, Troyes représentée par son écu et la cathédrale. A senestre, est reconnaissable la chapelle Notre-Dame du bon Secours fondée par la religieuse dans les faubourgs de Montréal en 1655 et dans laquelle ses reliques reposent. Notons que la façade du sanctuaire montre les remaniements de la fin du XIXe siècle.

Ces deux œuvres, pourtant toutes deux mémorielles, sont non seulement espacées par leur date de création mais aussi placées aux marges de la représentation de la Nouvelle-France : l’une commémoration historique, au service d’une hagiographie nationale ; l’autre commémoraison missionnaire affirmée que la première moitié du XXe siècle aurait volontiers passée sous silence.
Ce ne fut pas le cas : le 28 octobre 2017 – en présence des autorités civiles et religieuses locales – Mrg Lépine, archevêque de Montréal, dévoilait le vitrail.

Sources : Comité du mémorial des origines de la Nouvelle-France ; Glénisson, 1994.