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LA PISTE DE GUERRE

La Piste de guerre, 1865, Jules Emile Saintin, Chaumont, Musée de la Crèche

Peintre de son état, Jules Saintin (1829-1894) séjourna aux Etats-Unis à partir de 1854, gagnant sa vie en réalisant des portraits. Il quitte le pays en 1860, probablement chassé par la guerre de Sécession rendant très problématique les déplacements dans le pays. Outre les paysages, le monde indien semble avoir particulièrement intéressé Saintin durant son séjour. Et ce goût perdurera après son retour en France.

Installé dans son atelier du 8eme arrondissement, il deviendra le peintre académique que l’on connaît, spécialisé dans les scènes de genre et les portraits de la bourgeoisie parisienne. Pour autant, l’Amérique indienne ne sera pas oubliée, et sera le sujet de plusieurs œuvres.

La Piste de Guerre, peut être considérée comme la plus explicite de sa production « américaine ». Sont ici réunis tous les ingrédients propres à la vision du monde indien d’Amérique du Nord, et plus particulièrement des Woodlands, par la France de cette fin de siècle. Quelques mots peuvent la résumer : silence, prudence, ruse, brutalité sous-jacente, osmose avec la nature sauvage.

Œuvre académique s’il en est, par sa technique élaborée et précise, par le classicisme des attitudes, par l’orientalisme de la « squaw » et de son enfant, directement sortis d’une « smala », la Piste de Guerre trahit néanmoins les bonnes connaissances de son auteur en ethnographie : décor des broderies de piquants de porc-épic, mocassins, scalp accroché au tomahawk.

Ce curieux mélange rendant l’œuvre de Saintin inclassable, annonce la vision ethnocentrée de la fin du siècle et surtout négative : malgré la présence d’une famille, apaisant un peu la tension, les visages des guerriers sont ici inquiétants et sombres.

Le rapport à l’Amérique française, qui peut ici sembler lointain, doit cependant être considéré : hormis la femme et l’enfant, est ici représentée une scène de ce qui fut appelé la « petite guerre » (la guérilla), dans laquelle les Franco-Indiens excellaient : raids menés parfois fort loin de leurs bases, et donc les effets psychologiques étaient dévastateurs auprès des populations anglo-américaines.

Définitivement, le « Bon sauvage » est devenu le « Peau-rouge ».