ATALA

Peu d’œuvres de littérature ont joué un aussi grand rôle dans l’histoire des mentalités. Atala est au nombre de celles-là.

Atala ou les amours de deux sauvages dans le désert, narre l’histoire et la conclusion tragique des amours malheureuses du Natchez Chactas (narrateur du récit, au soir de sa vie) et  de la jeune Atala, fille d’un Espagnol et d’une Indienne. Atala sauve Chactas de la mort alors qu’il était tombé entre les mains des féroces Muscogulges. Les deux jeunes gens s’enfuient et, durant leur errance, tombent amoureux. Réfugiés au sein de la mission du père Aubry (Atala est d’éducation chrétienne), ils ne trouveront cependant pas le bonheur : croyant devoir respecter le serment fait par sa mère à la Vierge (à qui celle-ci l’avait consacrée sur son lit de mort), Atala met fin à sa vie pour ne pas rompre le voeu de chasteté.

Le roman, publié en 1801, eut un succès immense (cinq éditions cette même année) et assurera la renommée de son auteur, François-René de Chateaubriand (1768-1848). Arrivant à point après la tourmente révolutionnaire, il répondait aux aspirations d’un public avide de calme, de grands espaces et de descriptions lyriques à une époque de retour aux valeurs traditionnelles et au christianisme. Par son style littéraire, par son thème tragique, il annonce le Romantisme qui va balayer la vieille Europe durant les quarante prochaines années.

Bien que l’Amérique française ne soit pas explicitement citée dans ce roman, son existence diffuse est clairement ressentie par la présence d’un Français (le père Aubry), l’évangélisation et le métissage.

Chateaubriand fera publier par la suite plusieurs œuvres dont l’Amérique du Nord est le cadre : René (1802), Les Natchez (1826), Voyage en Amérique (1827). Le continent sera à nouveau abordé dans ses Mémoires d’outre-tombe (1849).

Si le voyage que fit Chateaubriand dans la toute jeune république nord-américaine a joué un grand rôle dans son œuvre littéraire, il fut en fait relativement court (quelques mois de l’année 1791) et reste entouré de mystère quant à ses causes et son itinéraire. Il est certain cependant que les lieux qu’il visita (les chutes du Niagara notamment) l’impressionnèrent et forgeront plus tard sa plume.

Atala va donc connaître un succès sans pareil en France et fournira la source iconographique d’un très grand nombre de productions tout au long du XIXe siècle et sur bien des supports : théâtre, peintures, sculptures, gravures, pendules, vases, assiettes, poupées, caricatures, etc. La mort d’Atala et son enterrement sont les deux thèmes les plus traités, comme nous pouvons le voir par les images ici choisies.

 

L’enterrement d’Atala par Girodet-Trioson, 1808.
Paris, Musée du Louvre.

De toutes les œuvres abordant le thème d’Atala, celle-ci est sans conteste la plus célèbre. Élève de David et peintre néoclassique, Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824) hésitera entre plusieurs scènes du roman avant de porter son choix sur l’enterrement de la jeune fille. Bien que l’artiste se soit – dit-on – rendu au Jardin des plantes pour y mieux copier la vérité naturaliste, en fait fort peu d’éléments proprement américains, sinon aucun, sont ici présents. Très classique dans sa composition, l’œuvre n’est en fait « américaine » que par son titre.

Flore au tombeau, par Louis Léopold Boilly, 1829.
Paris, BNF.

Complètement oublié aujourd’hui, Léopold Boilly (1761-1845) fut un illustrateur réputé à son époque, spécialisé dans les thèmes légers et anecdotiques de la vie parisienne (femmes infidèles, maris trompés, etc.). Comme bien d’autres, il ne résista à la tentation du pastiche et produisit en 1829 cette irrespectueuse et savoureuse gravure.

Chactas sur la tombe d’Atala,  par Francisque Duret, (1836)
Lyon, Musée des Beaux-Arts.

De toutes les sculptures consacrées au thème d’Atala, celle de Francisque Duret (1804-1865) est probablement la plus célèbre. Réalisée en marbre, puis en version réduite pour le salon de 1836, elle fait référence à l’épilogue du roman, alors que Chactas se recueille sur les tombes d’Atala et du père Aubry : « Il s’assit sur le rocher de la Veillée de la mort, où il ne vit que quelques plumes tombées de l’aile de l’oiseau de passage. Tandis qu’il pleurait, le serpent familier du missionnaire sortit des broussailles voisines, et vint s’entortiller à ses pieds ».

L’indianité de Chactas, ici encore, n’est que très peu marquée sinon par le pagne et peut-être les cheveux tressés. Notons cependant, à droite du rocher, une très discrète plante : une tige de maïs ?