LA MORT DE MONTCALM

Benjamin West, The death of the General Wolfe, 1771.
Ottawa, National Gallery

En cette fin de siècle, la vision du « bon sauvage » laisse parfois la place à des considérations plus politiques et sombres.

Le 13 septembre 1759, les troupes britanniques avaient pris Québec après la dramatique bataille des Plaines d’Abraham. Ce jour, le Marquis de Montcalm y avait trouvé la mort, tout comme le Général Wolfe commandant les troupes d’assaut britanniques.

Quelque douze ans plus tard, le peintre américain Benjamin West, réalisait son fameux tableau représentant, d’une manière toute néo-classique, la mort de l’officier anglais. Bien que peu réaliste et remplie d’erreurs historiques (relatives notamment aux officiers présents autour du général), l’œuvre devait avoir un immense succès et servir de modèle pour un dessin illustrant la mort de Montcalm (lavis et sanguine) par François-Louis-Joseph Watteau (1731-1798), neveu du fameux Jean-Antoine Watteau.

Ce dessin réalisé en 1783, beaucoup plus maniéré et baroque que l’œuvre de West, en est cependant très proche par sa composition : le mourant allongé soutenu par ses proches, officiers pleurant le départ de leur chef, porte-drapeau assistant à la scène. Une différence de poids doit être cependant notée (outre le décor) : l’Indien pensif. Peint de manière assez réaliste chez West (qui certainement connaissait les costumes et coutumes indigènes), il devient avec Watteau un simple « sauvage » armé d’une hache (tomahawk ?), seulement vêtu d’un pagne (en peau ?).  La coiffe de plumes si présente dans les représentations européennes a ici disparue, gommant ainsi l’identité indigène du personnage.

Sachons cependant qu’une gravure réalisée l’année suivante d’après l’original, par Juste Chevillet (1729-1802 ?), le fera disparaître et ornera les deux hommes de l’angle bas-droit de belles coiffes de plumes dignes des meilleures allégories tropicales. C’est probablement inspiré par cette veine méridionale que Chevillet fera ajouter un superbe et improbable palmier en arrière plan.

Bien que « rivales », ces œuvres partagent les mêmes inexactitudes historiques et participent au même effort hagiographique – chacune à la gloire de son camp. Toutes cependant – par le souvenir – scellent la disparition de la Nouvelle-France.

(en bas à gauche)
François-Louis-Joseph Watteau, 
La mort de Montcalm, v. 1783,
Pinceau et lavis brun et gris sur pierre noire et sanguine, avec rehauts de blanc

(en bas à droite)
Juste Chevillet, 
La mort de Montcalm, 1784
Gravure