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Les collections américaines de France : cinq siècles d'histoire

Réunis depuis la fin du XVe siècle dans les Cabinets de curiosités, puis au sein des institutions muséales modernes, des milliers d'objets américains de toute nature ont traversé l'Atlantique pour l'Ancien Monde : céramique, statuaire, simples outils et parures prestigieuses, éléments d'architecture, armes de guerre et de chasse, objets rituels, manuscrits. Une grande diversité de documents archéologiques, ethnographiques ou folkloriques s'est ainsi répandue en Europe, issue de toutes les régions du Nouveau Monde (de l'Alaska à la Terre de Feu) et de l'ensemble des cultures : précolombiennes et coloniales, indigènes ou métissées.

Malheureusement, victime d'un ethnocentrisme et trop longtemps méconnu, l'objet américain était encore il y a peu ignoré dans les réserves ou les salles d'exposition des rares musées, souvent d'Histoire naturelle, connus pour abriter des collections exotiques. Cependant, d'importantes recherches ont été récemment menées sur l'inventaire et l'histoire du patrimoine américaniste. À ce jour, ont été dénombrées en Europe plus de 350 institutions muséales publiques abritant des collections américaines.

En France, le recensement général des collections américaines, engagé depuis maintenant 30 ans, permet de mesurer la richesse des fonds publics en la matière. À ce jour, nous dénombrons environ 32 000 objets, abrités dans 170 musées et institutions publiques françaises. Bien entendu, ce total ne tient pas compte des collections américaines du musée du quai Branly de Paris, estimées à plus de 106 000 pièces. Cet inventaire, à l'origine entrepris par le Centre de recherche en archéologie précolombienne de l'Université de Paris I, et mené de concert avec la Direction des musées de France et l'École du Louvre, a permis, à ce jour, l'étude de plus de 25 000 pièces identifiées dans 80 musées. Ces données complètent souvent les résultats des études menées sur les collections du musée du quai Branly, du fait du partage des fonds.

Certes, provenant souvent de collecte non scientifique, l'objet de musée ne fournit que peu de données relatives à son contexte. L'objet de musée est donc per natura un objet « muet ». Les collections américaines n'échappent pas à cette règle, même si l'enquête sur les donateurs permet parfois de leur restituer un sens ou une origine. Il serait cependant erroné de considérer comme vides de sens de tels ensembles qui recèlent en fait d'importantes informations, tant iconographiques que technologiques.

Les objets de musées ne sont pas seulement les vestiges de sociétés lointaines et anciennes. Ils sont également le résultat d'une longue histoire : celle d'un ou de plusieurs collecteurs et de leurs goûts, celle de leur époque et de ses modes. Abrités en musées depuis parfois fort longtemps, témoins d'une histoire commune et d'un patrimoine partagé, les objets américains de France sont en somme le reflet d'une image, celle des Amériques, entretenue depuis cinq siècles par la Vieille Europe.


Pascal Mongne
Historien de l'Art, membre associé de l'UMR 8096 ArchAm - Archéologie des Amériques, chargé d'enseignement à l'École du Louvre.
et Éric Taladoire
Professeur émérite, Université Paris I


Bibliographie :
Mongne, Pascal,
« Les collections amérindiennes de France : l'histoire d'une image ou le balancier du goût », in Un continent en partage. Cinq siècles de rencontres entre Amérindiens et Français, sous la direction de Gilles Havard et Mickaël Augeron, Les Indes savantes, Paris, 2013, p. 455-465.
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