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La défense de Trois-Rivières par Pierre Boucher, Notre-Dame de Mortagne-au-Perche. 1923

Située à Mortagne-au-Perche (Orne), l’église Notre-Dame de l’Assomption a été érigée entre 1494 et 1535 puis couronnée d’une tour entre 1542 et 1620. Elle est justement célèbre pour ses boiseries du XVIIIe siècle et surtout ses vitraux dressés entre le XVIe et le XXe siècle, présentant ainsi en un seul lieu l’évolution de l’art du vitrail français.

L’un d’eux nous intéresse tout particulièrement. Situé sur le côté gauche de la nef (vitrail 11 – D), il est consacré à la personne de Pierre Boucher (1622-1717), enfant de Mortagne et l’une des grandes figures de l’installation française au Canada.
C’est en 1635, suivant son père menuisier, que Pierre Boucher s’embarque pour la Nouvelle-France. Engagé comme domestique chez les Jésuites, il apprend très vite les langues indigènes et dès 1641 devient interprète pour ces derniers dans leur œuvre de conversion des Hurons.
En 1644, Pierre Boucher s’établit à Trois-Rivières, sur la rive nord du Saint-Laurent et devient rapidement un personnage important de cette position militaire et commerciale stratégique à mi-chemin entre Québec et Montréal. Nommé capitaine de la milice locale en 1651, il renforce les fortifications devant les redoutables incursions iroquoises qui, dès 1641, avaient semé la terreur parmi les Français et leurs alliés autochtones. Il organise ainsi la défense du bourg, à la tête d’une cinquantaine de miliciens, lors des quatre jours d’assaut (19-22 août 1653) mené par quelque 600 Agniers, L’échec de l’attaque et la demande de paix par les Iroquois vaudra les honneurs à Pierre Boucher qui sera nommé gouverneur de la place (poste qu’il occupera jusqu’en 1667).
Personnage désormais important, Boucher est envoyé en métropole en 1662 pour y défendre les intérêts de la colonie et demander des renforts. Il est reçu à Versailles par le roi en personne qui l’anobli probablement à cette occasion (il devient ainsi l’un des trois premiers anoblis du Canada). Il revient avec 160 colons et une centaine de soldats. Quelques années plus tard, l’arrivé du régiment de Carignan-Salières et ses 1200 hommes confirmeront l’intérêt de la Couronne pour la défense de la Nouvelle-France.
En 1667, il fonde la seigneurie de Boucherville, au sein de laquelle il vivra désormais jusqu’à sa mort.

Cet ensemble est l’œuvre conjointe de trois célèbres vitraillistes : Louis Joseph Barillet (1880-1948), Jacques Le Chevallier (1896-1987) et Théo Hanssen (1885-1957), qui ont longtemps travaillé ensemble. Ils sont considérés comme les rénovateurs de l’art du vitrail de l’entre-deux-guerres. Cette œuvre est en effet profondément marquée par le style Art déco alors en vogue, tant dans les teintes utilisées que dans les formes rondes et pures du décor.
Réalisé en 1923, ce travail de commande fut inauguré lors d’une cérémonie rassemblant les autorités de la ville et les représentants du Canada, le 21 août 1927, date anniversaire de la bataille de Trois-Rivières. Il n’est donc pas étonnant, que malgré son lieu d’installation, ce vitrail n’aborde aucunement un sujet religieux. En fait, oeuvre de commémoration historique, il fait la part belle aux deux événements choisis par les commanditaires.
Sous le panneau d’ogive, illustrant les armes nobiliaires de Boucher, deux principaux registres sont ainsi présentés : au centre, l’embarquement de Boucher et de ses renforts depuis le port de La Rochelle, en 1662 ; en bas, la fameuse bataille d’août 1653. Notons que les Iroquois, pourtant bien identifiés, portent ici des vêtements et des coiffes complètement inspirés de ceux des Indiens des Plaines.

Sources : Cécil, 2001 ; Douville ; Groulx, 1965.