LES INDES GALANTES

Jean-philippe Rameau, Les Indes galantes, 1736 Paris, BNF 

Si l’Amérique a été imaginée de multiples manières – le plus souvent d’ailleurs sous l’aspect d’une belle jeune fille, à la gorge généreuse et (peu) vêtue de plumes, inévitablement associée à un tatou ou mieux encore un crocodile –, elle le fut aussi par de multiples formes d’art. L’une d’elles doit être particulièrement signalée : le spectacle lyrique et dansé.

Art baroque s’il en fut et art de cour, il apparaît en Italie au cours du XVIe siècle et, sous des aspects et noms variés : opéra royal, opéra-ballet, comédie-ballet, se répand rapidement en Europe occidentale et notamment en France où il sera fort apprécié.  Parce qu’à l’époque considérés comme complémentaires, comédie ou drame, musique, chant et danse étaient étroitement associés. Cet art complet mêlait donc en son sein un livret (léger ou dramatique), une partition musicale (instrumentale et lyrique) sans oublier la chorégraphie, présentée sous la forme « d’intermèdes » le plus souvent sans rapport avec le sujet de l’œuvre.

L’Amérique, par les caractères exotiques qu’on lui attribuait, en deviendra rapidement le partenaire privilégié ; tantôt sujet principal de l’intrigue, tantôt simple acte ou « entrée » (inévitablement dite « des Sauvages »). Quelque 150 œuvres lyriques et dansées, consacrées en partie ou en totalité aux Amériques ont été créées en Europe occidentale depuis le tout début du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle, dont plus de 60 en France.

Si l’apogée du genre a lieu pendant les trois dernières décennies du XVIIIe siècle, Les Indes Galantes, de Jean-Philippe Rameau, créées en 1735-36 (sur un livret de Louis Fuzelier) en sont le modèle achevé, qui sera joué 185 fois jusque dans les années 1760 avant d’être presque complètement oublié. Le livret de Fuzelier n’est en fait qu’un prétexte à mettre en scène l’Amour, décliné sous quatre cieux, quatre « entrées » sans grands liens : Turquie, Pérou, Perse et Amérique du Nord.

La quatrième entrée met en scène la princesse indienne Zima, courtisée par deux officiers : Alvar, le jaloux Espagnol, et Damon, le Français libertin. Livrant a chacun ses vérités, Zima choisira enfin son fiancé, l’Indien Adario :

 Je ne veux d’un époux ni jaloux ni volage.
(à l’Espagnol) : Vous aimez trop,
(au Français) : Et vous, vous n’aimez pas assez.

Opéra galant par excellence, Les Indes galantes sont le reflet de l’apparente liberté des mœurs et de la société française en ce milieu du XVIIIe siècle. Elles sont également l’une des visions les plus positives de l’Amérique du Nord aux frontières supposées des territoires de l’Empire espagnol et de la Nouvelle-France.

(à gauche, en dessous)
« Sauvage de la 4e entrée » Costume par De Boquet, 1766, Paris, BNF.

Armé d’un gourdin, vêtu d’un simple pagne broché sur l’épaule et donc à demi nu, ce personnage est une caricature bien éloignée des représentations – pourtant connues –  des Indiens fréquentant les Français. Laissant les plumes aux « Amériquains » méridionaux, Boquet semble ici s’inspirer des « sauvages » de la cartographie du siècle précédent.