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GRAND CARROUSEL DONNÉ PAR LOUIS XIV EN L’HONNEUR DE LA VALLIÈRE, 1662

Costumes de F. Chauveau ; Gravures de Silvestre. Versailles, Bibliothèque municipale

Face aux représentations réalistes ou considérées comme authentiques des Indiens d’Amérique, issues des récits des voyageurs et des missionnaires et surtout des gravures  dont ces ouvrages étaient parfois enrichis, une autre image peu à peu va émerger. Il s’agit alors d’un pur produit de l’imagination et des fantasmes, reflet européen d’une Amérique rêvée et réinventée, celle des arts et du spectacle.

Certes, sachons d’une part que l’image de l’exotisme et de l’inconnu existait en Europe occidentale bien avant la découverte du Nouveau monde et que, d’autre part, la lente prise de conscience de son existence dans les mentalités engendrera des représentations bien moins nombreuses que celles tournées vers l’Asie, l’Afrique ou l’Orient (un rapport de 1 à 5 est souvent cité).

Pourtant, l’intérêt pour ce continent, ses animaux, ses plantes et surtout ses habitants et leurs coutumes va être à l’origine d’un grand nombre de représentations, tant dans les arts traditionnels que dans les spectacles : entrées royales, carrousels, défilés, parades, fêtes, divertissements, ballets et opéras, pièces de théâtre et œuvres lyriques… La plus ancienne en France est très certainement la Grande entrée d’Henri II à Rouen, en 1550, au cours de laquelle « sauvages » brésiliens jouant leur rôle et Normands grimés dansaient au sein d’un village Tupinamba reconstitué pour l’occasion.

C’est au cours du XVIIe siècle que la représentation des Américains connaît une grande vogue en France, favorisée par le développement de son empire colonial. Celle-ci prend cependant l’aspect que l’humanisme et la cosmologie issus de la Renaissance ont bien voulu lui donner : principalement des allégories figurant l’une des quatre parties du monde.

Le Grand carrousel de 1662 en est l’un des meilleurs exemples. Donné par Louis XIV en l’honneur de sa première maîtresse officielle, Louise de La Vallière, ce spectacle équestre fut organisé les 5 et 6 juin 1662, dans la cour des Tuileries du Louvre, à l’emplacement qui porte aujourd’hui ce nom, devant plus de 10000 personnes. Cette fête prestigieuse rassembla 1300 participants, dont la fine fleur de la noblesse française et, bien entendu, le roi en personne. Cinq quadrilles, chacune conduite par un Grand du royaume, défilèrent ainsi, symbolisant par leurs costumes (dessinés par François Chauveau) les grands peuples du monde : Romains, Perses, Turcs, Indiens (des Indes) et Américains.

Le duc de Guise était en tête de ces derniers. Les gravures, réalisées en 1670 par Silvestre, représentent  le « roi » et sa troupe richement vêtus : « Branches de corail sur les coiffes, costumes de satin vert brodés de coquilles d’argent, caparaçons en peau de tigre, bandes de velours verts, draperies d’or et pompons ». Bien que ces atours ne soient pas ceux de la Nouvelle-France, cette dernière, qui ne pouvait être ignorée, est ici sous-entendue : ces « Amériquains » sont très probablement les nôtres.

(en haut)
Le Duc de Guyse, roi amériquain
Res gr in-fol A 21 m
Force est de reconnaître que l’Amérique ici « inventée » présente des caractères bien particuliers : coiffe du « roi » composée d’un large panache de plumes fixé sur un cimier figurant un dragon, monture « licorne » dont la crinière et la queue sont ornées de serpents menaçants.

 

(en bas)
Timbalier et trompette amériquains
Res gr in-fol A 21 m
Les costumes des musiciens sont certainement encore plus originaux : un justaucorps « … de satin vert brodé en écailles d’argent… ». Nul doute que celui-ci soit inspiré des tlahuiztli, tenues de parades et de combat des guerriers aztèques, espèce de justaucorps renforcé, entièrement couvert de plumes et de couleurs vives. Apportés en Europe, ces costumes connaîtront un grand succès et seront maintes fois illustrés.